Lettre de la HSVMA sur la corrida
Le Parlement catalan doit se prononcer demain mercredi 28 juillet sur l'abolition des corridas en Catalogne espagnole. Il y a de très fortes chances pour que l'abolition l'emporte.
La Faculté de Sciences biologiques de Valence avait rendu publique en avril dernier une déclaration contre la corrida (cf autre article de ce jour).
De nombreux professionnels et universitaires de plusieurs pays (dont la France) dans les domaines des sciences sociales, humaines, médicales et juridiques, ont également alerté les parlementaires catalans sur les liens entre la violence envers les animaux et la violence envers les hommes (cf encore un autre article de ce jour).
Les vétérinaires ne sont pas en reste.
L'AVAT (Asociación de Veterinarios Abolicionistas de la Tauromaquia) fait connaître depuis deux ans son point de vue en Espagne. Son vice-président, José Enrique Zaldívar, est intervenu devant le Parlement catalan en mars dernier.
La Humane Society Veterinary Medical Association (HSVMA) est une association de vétérinaires américains impliqués dans le bien-être animal. Elle a adressé voici quelques jours un courrier aux députés catalans, en association avec d'autres autorités de la médecine vétérinaire (dont Jean-François Courreau, un des initiateurs de notre collectif) et de l’éthique animale. Il y est rappelé que les taureaux souffrent tout au long de la corrida, puisque cette évidence semble échapper à certains.
En voici la traduction française :
En voici la traduction française :
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Le 21 juillet 2010
Distingués membres du Parlement de Catalogne
Nous pensons que les taureaux de combat sont peu différents des autres races de bétail domestique (Bos Taurus L.) et, par conséquent, qu'ils sont capables d'éprouver de la douleur et de souffrir. La douleur, cette sensation associée à une lésion tissulaire réelle ou potentielle qui provoque une expérience sensitive et affective déplaisante, est un signal avertissant qu'une lésion est survenue ou peut survenir, et modifie les réponses physiques et comportementales en vue de soulager cette perception (Mellor et al., 2000). C'est un signal biologique adaptatif essentiel pour la survie.
La corrida est une épreuve brutale. Durant ce spectacle, les picadors et les banderillos transpercent la peau et le muscle du taureau avec des lances et des banderilles, qui sont enfoncés dans le cou et le garrot. Ces instruments provoquent des saignements et le taureau réagit à la douleur. Les récepteurs à la douleur sont abondants dans la peau et les muscles. La corrida ne s'achève que lorsque le taureau a été épuisé par la perte de sang et la douleur.
Les preuves montrant que les bovins sont capables d’éprouver de la douleur et de la souffrance sont indiscutables (Benson, 2004). Des nombreuses études montrent que des interventions comme la castration (Fell et al., 1986; Robertson et al., 1994; Obritzhauser et al., 1998; Fisher et al., 2001; Early and Crowe, 2002; Stafford and Mellor, 2005a; González et al., 2010), l'écornage (Taschke and Folsch, 1997; Stafford and Mellor 2005b; McMeekan et al., 1998; Mellor and Stafford 1999; Graf and Senn, 1999; Grondahl-Nielsen et al., 1999; Faulkner and Weary, 2000) et le marquage (Lay et al., 1992a; Lay et al., 1992b; Schwartzkopf et al., 1997) sont extrêmement douloureuses. Il y a aussi des preuves sérieuses attestant que les bovins peuvent souffrir de façons autres que physique, comme de la peur (Price and Wallach, 1990; Boissy and LeNeindre, 1997; Grignard et al., 2001).
Des rapports antérieurs, publiés dans la littérature scientifique, se montrent très sceptiques quant à l'argument selon lequel les taureaux ne ressentent pas de douleur durant une corrida (e.g. Ödberg, 1992). La douleur peut être un préalable nécessaire pour stimuler l'agression chez le taureau (Ödberg, 1992). Un taureau doit être tourmenté et provoqué, afin de fournir au matador un "bon" combat, et même si le stress inhibait la douleur durant la corrida, ceci pose la question éthique de l'acceptablité de substituer une forme de souffrance à une autre. Il n'est pas éthiquement acceptable d'infliger de graves lésions tissulaires à un animal, et d'arguer que la douleur éprouvée sera moins sévère parce que l'animal a été tourmenté et rendu furieux auparavant.
L'affirmation selon laquelle la perception de la douleur peut être contre-sélectionnée dans certaines lignées animales est une assertion très grave, puisqu'une affirmation erronée conduirait sans aucun doute à une importante souffrance animale. Pour produire un animal qui serait insensible à la douleur, il faudrait mesurer spécifiquement la sensibilité à la douleur chez la progéniture après chaque accouplement, une procédure hautement improbable dans le cadre des programmes concernant les taureaux de combat. Valider l'hypothèse selon laquelle la sensation douloureuse a été réduite supposerait une investigation expérimentale considérable, d'autant plus que la grande majorité des études sur la douleur chez les bovins suggère le contraire. Le travail du Dr Illera et de ses collaborateurs mettant en doute la douleur durant les corridas n'est encore paru dans aucune revue internationale reconnue, où il aurait été soumis à une revue critique de ses pairs, et vu le manque de précisions dans ses articles jusqu'à présent, l'examen de sa méthodologie est impossible. Ce travail n'a pas la consistance requise pour servir de base à quelque décision parlementaire que ce soit sur les corridas.
Nous ne pouvons que rester sceptiques, et pensons au contraire que les taureaux de combat comme les autres bovins éprouvent de la douleur et souffrent dans l'arène. Notre opinion est basée sur les faits scientifiques irréfutables procurés par l’anatomie, la physiologie et la neurologie concernant les récepteurs à la douleur présents dans la peau et dans les muscles des bovins. La durée moyenne pour qu'un taureau soit tué dans une arène est de plus de 20 minutes. La peur, l'agressivité et la fureur ne peuvent pas neutraliser ces récepteurs à la douleur sur une telle durée. Le taureau est sujet à une douleur aiguë continue provoquée par les blessures dues aux piques et aux banderilles durant la corrida. Par conséquent, les récepteurs à la douleur sont constamment stimulés.
Sincèrement
Dr. Gary Block DVM, MS, DACVIM, Past President Rhode Island Veterinary Medical Association
Dr. Holly Cheever, DVM, HSVMA Leadership Council member
Prof. Jean-François Courreau, DVM, Phd, Alfort Veterinary Medicine, Ecole Nationale Vétérinaire d'Alfort, France
Dr. Nicholas Dodman, DVM, Professor, Department of Clinical Sciences, Tufts Cummings School of Veterinary Medicine
Dr. Ian Duncan, Ph.D., Emeritus Chair in Animal Welfare, University of Guelph
Dr. Andrew Knight BSc., BVMS, CertAW, MRCVS, Veterinary Fellow, Oxford Centre for Animal Ethics, UK
Dr. Peggy Larson, DVM, bovine practitioner
Dr. Jim Reynolds, DVM, MPVM, bovine practitioner
Dr. Bernard E. Rollin, Professor of Philosophy, Professor of Animal Sciences, Professor of Biomedical Sciences, University Bioethicist, Colorado State University
Dr. Sara Shields, Ph.D., animal behavior and welfare consultant, Humane Society International
cc: General Council of Veterinary Schools of Spain, Veterinary Councils of the Autonomous Communities, and the Councils of Provincial Veterinary Schools
REFERENCES
Benson, G.J., 2004. Pain in farm animals: Nature, recognition, and management. In: The Well-Being of Farm Animals: Challenges and Solutions (Eds G.J. Benson and B.E. Rollin). Blackwell Publishing, Ames, Iowa, pp. 61-84.
Boissy, A. and LeNeindre, P. 1997. Behavioural, cardiac and cortisol responses to brief peer separation and reunion in cattle. Physiology and Behaviour, 61: 693.
Early, B. and Crowe, M.A. 2002. Effects of ketoprofen alone or in combination with local anesthesia during castration of bull calves on plasma cortisol, immunological and inflammatory responses. Journal of Animal Science, 80: 1044.
Faulkner, P.M. and Weary, D.M. 2000. Reducing pain after dehorning in dairy calves. Journal of Dairy Science, 83: 2037.
Fell, L.R., Wells, R. and Shutt, D.A. 1986. Stress in calves castrated surgically or by the application of rubber rings. Australian Veterinary Journal, 63: 16.
Fisher, A.D., Knight, T.W., Cosgrove, G.P., Death, A.F., Anderson, C.B., Duganzich, D.M. and Matthews, L.R. 2001. Effects of surgical or banding castration on stress responses and behaviour of bulls. Australian Veterinary Journal, 79: 279.
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