Scoop : Emmanuel Macron est aficionado
Emmanuel Macron, qui ce dimanche 14 mai entre dans la fonction présidentielle, est un amateur de corrida, un « aficionado ».
La torera Marie Sara, qu'il a personnellement investie comme candidate aux prochaines législatives dans le sud de la France, l'a révélé à une radio espagnole.
- Le Collectif AnimalPolitique, représentant 26 associations dont l'Alliance Anticorrida, le CRAC-Europe et la FLAC, avait adressé aux candidats à la présidentielle une série de 30 questions sur les animaux. Emmanuel Macron, dans ses réponses publiées le 14 avril, ne répondait pas à certaines questions dont celle concernant la corrida.
- M Macron franchissait un pas de plus en déclarant le 17 avril dans le quotidien régional La Provence : « La corrida fait partie intégrante de la culture et de l'économie, y compris du tourisme, de la région. Je suis à ce titre opposé à l'interdiction dans les territoires de tradition taurine ».
- Il franchissait encore un pas une fois élu, en sollicitant personnellement la semaine passée, pour représenter son mouvement aux législatives dans une circonscription médiatique, Marie Bourseiller, également appelée Marie Sara Lambert du nom de son dernier époux, et connue sous le nom de Marie Sara dans le monde tauromachique.
- Enfin, celle-ci vient d'ouvrir la dernière porte en révélant le 11 mai au soir sur une radio espagnole que le nouveau président est « aficionado », amateur de corrida.
L'entrée en piste de Marie Sara
Marie Bourseiller a donc été sollicitée par Emmanuel Macron pour représenter son parti, les Républicains En Marche, dans la 2ème circonscription du Gard lors des législatives qui viennent. Elle a accepté, même si pour les élections régionales de 2015 en Provence-Alpes-Côte d’Azur, elle avait soutenu Christian Estrosi, tête de liste des Républicains.
Ce choix s'inscrit dans l'annonce de M Macron d'investir pour les législatives autant de femmes que d’hommes, et autant de personnes issues de la société civile que de personnalités issues de la sphère politique.
Cette investiture a eu un fort retentissement médiatique pour deux raisons :
- Premièrement, Marie Sara va concourir contre le médiatique Gilbert Collard. Celui-ci a été l'un des deux députés du parti de Marine Le Pen durant la législature qui s'achève, avec Marion Maréchal-Le Pen, laquelle vient d'annoncer il y a quelques jours son retrait de la vie politique.
- Deuxièmement, Marie Sara est connue pour être l'une des rares femmes ayant pratiqué la corrida, en l'occurrence la corrida à cheval (« corrida de rejon »[*]) .
Les médias y ont fait référence dans le cadre d'articles consacrés aux candidats venant de la vie civile bénéficiant d'une certaine notoriété, mais également dans le cadre de nombreux articles axés sur l'ex-torera.
L'AFP a diffusé le 11 mai une dépêche où Marie Sara annonce : « Le président de la République (Emmanuel Macron) m'a sollicitée, il m'a demandé d'aller défendre ses valeurs dans mon territoire, mes terres de Petite Camargue pour combattre le FN et l'obscurantisme ».
Gilbert Collard a tweeté en réplique « On ne met dans l’urne ni les oreilles ni la queue, mais le sérieux du destin du pays. »
En tout cas ce n'est pas sur la question tauromachique qu'ils s'opposeront, car Gilbert Collard est également de son côté un fervent défenseur de la corrida.
Cette dépêche de l'AFP a été largement relayée et/ou commentée sur la toile :
- par la presse loco-régionale du sud de la France : le Midi Libre, Objectif Gard, la Provence, la Marseillaise, la Dépêche du Midi, Sud-Ouest…
- par des quotidiens nationaux comme Libération, le Parisien, ou La Croix, par des hebdomadaires comme L'Express, Le Point, le Nouvel Obs ou Paris Match…
- par des médias audio-visuels comme France Inter, France Bleu, France 24, Europe 1, BFMTV, LCI, Public Sénat…
- par des magazines féminins comme Femme Actuelle, ou pipoles comme Gala ou Closer.
- côté hispanique, par l'agence de presse espagnole EFE dont la dépêche a été reprise par des médias comme El Mundo, El Pais ou La Razon.
- côté anglophone, par l'agence Reuters, qui s'est jointe à l'AFP pour diffuser l'annonce.
Et dans les milieux de la protection animale, cette annonce a bien entendu soulevé une énorme bronca (dans le langage tauriniste : manifestation bruyante du public en signe de désapprobation).
Marie Sara dans le monde tauromachique
Marie Sara est surtout connue pour avoir exercé comme rejoneadora, torera à cheval, pendant 15 à 20 ans.
Au printemps 1999, quand Marie Sara faisait ses faux adieux, elle avait déjà charcuté et tué près de 1000 taureaux (cf cette émission vers 9:00). Comme elle a recommencé à participer à des corridas de 2003 à 2007, son palmarès dépasse les 1000 taureaux.
FERIA DE LA PENTECOTE 6 MAI 2005 - Getty images ANNE-CHRISTINE POUJOULAT
Mais depuis, elle exerce des fonctions d'organisatrice de spectacles tauromachiques dans deux arènes françaises :
Depuis la saison 2009, Marie Sara est mandataire des arènes de Mont-de-Marsan, dans les Landes. Elle assiste la régie municipale des fêtes dans le cadre du groupement Kika-SCP, qui associe sa société Kika et la société Simon Casas Production.
Avant de devenir son associé, Bernard Domb, alias Simon Casas, businessman bien connu du monde tauromachique, fut son compagnon et son mentor lorsqu'elle débuta sa carrière de rejoneadora, puis son apodero (son "manager"). Il est parfois décrit comme « le grand patron de la tauromachie mondiale ». Le groupe Casas programme en effet les corridas dans six arènes de première catégorie espagnoles (Madrid, Zaragoza, Valencia, Málaga) et françaises (Nîmes et Mont-de-Marsan) et une arène de deuxième catégorie (Alicante).
A Mont-de-Marsan, Ils assistent la commisson taurine municipale dans les négociations avec les éleveurs de taureaux et les toreros, et dans l’organisation des spectacles.
Les arènes de Mont-de-Marsan, avec leurs 7000 places, sont une des 7 arènes dites de première catégorie en France. Outre des exhibitions ponctuelles, elles reçoivent chaque année en juillet de nombreux spectacles taurins dans le cadre des fêtes de la Madeleine.
Geneviève Darrieussecq, maire de Mont-de-Marsan, a été présidente de l'Union des Villes Taurines Françaises (UVTF) de 2011 à 2016. L'UVTF est en cheville avec deux associations de lobbying tauriniste, la FSTF et l'ONCT. Mme Darrieussecq a été également investie par le parti d'Emmnuel Macron, la République En Marche, pour les législatives qui viennent.
Les Fêtes de la Madeleine voient chaque année se dérouler :
- 5 corridas,
- 1 novillada non piquée [*],
- 1 novillada avec picador [*],
- 1 corrida portugaise [*].
Notons que ces 3 derniers spectacles restent gratuits pour les moins de 12 ans, alors même que le Comité des droits de l'Enfant de l'ONU a recommandé à la France en février 2016 « d’interdire l’accès des enfants aux spectacles de tauromachie ou à des spectacles apparentés. »
Donc, durant 5 jours, autour de 46 taureaux ou taurillons sont charcutés puis tués (en dehors de l'arène pour la corrida portugaise) chaque année.
Depuis la saison 2011, Marie Sara est délégataire des arènes des Saintes-Marie-de-la-Mer, dans les Bouches-du-Rhône, pour la partie tauromachie ibérique. Elle a obtenu cette délégation de service public (DSP) d'abord avec sa société Kika ; mais en mars 2015, suite à la plainte du précédent délégataire, l'empresa Jalabert Frères, le Tribunal administratif de Marseille a annulé cette délégation en raison d'une série d'irrégularités évoquant un délit de favoritisme. Du coup elle a repris sa délégation à partir de 2015 sous la bannière d'une association créée pour la circonstance, Toros y Gipsy.
Ainsi, sont organisées chaque année en juillet et en août :
- 1 corrida de rejon,
- au moins 1 corrida portugaise,
- 1 corrida espagnole (à pied).
Donc au moins 18 taureaux sont charcutés et tués.
Enfin, Marie Sara est également éleveuse de taureaux de corrida (ganaderia Los Galos, en Camargue).
Les déclarations de Marie Sara
Dans un article du 12 mai qui lui était consacré dans El Pais, premier quotidien espagnol, Marie Sara déclarait :
« Le nouvau président français m'a choisi précisément pour ce que je suis et qui je suis. Et ce que je suis, c'est une torera identifiée à la tradition et à l'importance culturelle et environnementale des corridas. C'est notre patrimoine, notre singularité. Et je me battrai autant que nécessaire à Paris et ici pour protéger la tauromachie. »
Mais le plus fort a été sur la radio espagnole COPE, la deuxième radio généraliste nationale la plus écoutée en Espagne.
Cliquer pour écouter l'extrait
(en espagnol)
Marie Sara était interrogée le 11 mai dans l'émission La Linterna (La Lanterne), diffusée le soir sur cette chaîne.
Juan Pablo Colmenarejo (l'animateur) : « Le président de la République est amateur de corridas ? »
Marie Sara : « Il est amateur de corridas, et ce que je peux dire, c'est que si je suis élue, je ne laisserai pas toucher à un cheveu de la tauromachie et de notre culture ».
Ça a le mérite d'être clair.
Conclusion
Sur ce point, M Macron reste dans la ligne de bien des hommes politiques.
C'est d'autant plus inconséquent que son équipe doit parfaitement savoir qu'une nette majorité de Français sont opposés aux corridas, y compris dans les départements dits « taurins ».
D'une façon générale, la façon dont les hommes traitent les animaux est objectivement hors des préoccupations de M Macron. Mais reconnaissons qu'il ne se distingue guère non plus sur ce plan de la plupart des autres hommes politiques.
Evidemment, il y a bien d'autres questions plus déterminantes que la question des corridas pour le choix par les Français d'un homme ou d'un parti politique.
Mais à une époque où beaucoup de repères politiques traditionnels finissent par échapper aux citoyens, peut-être les questions animales prendront-elles une importance nouvelle.
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[*] : Voir la page Autres pratiques taurines