Résultats du vote sur la corrida en Équateur
Rafael Correa, président de la République d'Équateu
Dix questions ont été posées au peuple, cinq ayant trait à des amendements constitutionnels, relevant d'un "référendum", et cinq ayant trait à des questions d'intérêt général, relevant d'une "Consultation Populaire".
"Approuvez-vous que le canton où vous résidez interdise les spectacles qui ont comme objectif de mettre un animal à mort ?"
Cette question pouvait apparaître comme bien secondaire par rapport à d'autres thèmes, comme les réformes de la justice ou la règlementation des médias. Pourtant, c'est sous la pression populaire que Rafael Correa l'avait insérée dans sa consultation et l'avait défendue. Et c'est une question qui a suscité des débats enflammés, preuve qu'elle a trait à des enjeux humains fondamentaux, ce que feint d'ignorer le ministère de la Culture français.
Le président Correa a gagné sa bataille : le décompte des votes des 11 millions d'électeurs (sur 14 millions d'habitants) s'est achevé le 19 mai au soir, et une majorité de "oui" l'a emporté sur les différentes questions. Par parenthèse, ce vote était obligatoire sous peine d'amende (sauf pour les plus de 65 ans), peut-être faudra-t-il en venir là en France...
La question 8 sur les corridas ne fait pas l'objet de résultats officiels nationaux, pour la raison qu'elle était posée canton par canton. L'Équateur comprend 24 provinces, à leur tour divisées en cantons, le nombre total de ceux-ci s'élevant à plus de 220.
En fait, l'analyse des résultats montre que dans une zone donnée, le "oui" ou le non" l'emporte généralement pour l'ensemble des questions. Cette consultation avait valeur plébiscitaire, au sens de vote de confiance. Ce qui fait que le "oui" à la suppression des corridas se retrouve dans les cantons où le "oui" l'emporte pour les autres questions, et inversement (à l'exception du canton de Valencia).
L'analyse des résultats est la suivante. L'Équateur comprend 3 grandes régions : d'Est en Ouest, ce sont la région amazonienne, la région andine, et la région littorale. Vient s'y ajouter l'archipel des Galapagos.
Les 6 provinces amazoniennes (Est) sont plutôt opposées au président Correa, et ont voté "non" à la suppression des corridas (36 cantons sur 41). La population y est peu dense (489 000 électeurs) et les arènes très rares.
Faut-il craindre que la formulation de la question (interdire "les spectacles qui ont comme objectif de mettre un animal à mort") donne lieu à des corridas sans mise à mort ? Les taurins psalmodient sans relâche que la mise à mort doit impérativement conclure le soi-disant affrontement entre l'homme et la bête. D'ailleurs, il y a tout simplement lieu de penser que le public équatorien bouderait des corridas sans "tercio de mort", comme il bouderait les corridas à la portugaise. Ainsi, la municipalité de Cuenca, troisième ville d'Équateur, avait déjà interdit la mise à mort publique des taureaux en 2004 : de ce fait les corridas y ont périclité.
Les résultats de ce vote prendront probablement effet dans les mois qui viennent, une fois que les éventuelles procédures contentieuses seront épuisées.
Il y a des hasards, comme ça, qui résonnent avec une certaine actualité...
Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture