Un article rationnel sur la corrida

Publié le par Vétérinaires Anti Corrida

Un article paru sur le site universitaire The Conversation puis repris par National Geographic décrit de façon rationnelle ce que subissent les taureaux lors de la corrida.

Nous vous présentons ci-dessous une traduction française d'un article paru le 5 mars 2024 dans The Conversation, puis repris entre autres le 6 mars dans National Geographic.
Pour rappel, The Conversation est un média libre d'accès qui met en ligne des articles de la communauté universitaire, et National Geographic est depuis la fin du XIXe siècle la revue mensuelle de la National Geographic Society.
L'auteur de l'article, Yersain Ely Keller de la Rosa, est biologiste, titulaire d'une maîtrise en sciences biochimiques à l'Université Nationale Autonome du Mexique.
Son intervention est d'autant plus pertinente que la corrida fait depuis ces dernières années l'objet de nombreuses remises en question au Mexique.

===================================================================================

Vingt minutes de martyre et de souffrance : que se passe-t-il dans le corps du taureau avant de mourir ?

Début février 2024, un Tribunal collégial a levé la suspension provisoire des corridas à Mexico : le spectacle peut continuer dans les plus grandes arènes du monde.
Ceci relance un vieux débat entre deux camps : d’un côté, ceux qui défendent la « tradition » et, de l’autre, ceux qui dénoncent la cruauté envers les animaux.
Durant vingt minutes, le taureau est soumis à un acte de torture, comparable à tout autre cas de torture, puisqu'il s'agit d'infliger intentionnellement des souffrances extrêmes et prolongées à un être sensible et sans défense, sans son consentement.

Le processus de la corrida suscite l'indignation, car il s'agit d'une pratique abusive qui se termine par la mort lente d'un animal qui reste toujours conscient de ce qui se passe autour de lui.

Les corridas, avec des conséquences fatales pour les taureaux, sont toujours autorisées dans certaines régions d'Espagne, du Mexique, de France, de Colombie, du Venezuela, du Pérou et de l'Équateur. Bien que certains amateurs de la « fête taurine » soutiennent encore que les taureaux ne souffrent pas, les preuves montrent que les taureaux sont exposés à des facteurs de stress physiques, psychologiques et environnementaux.

Vue aérienne des arènes de Mexico (Plaza México). Shutterstock / Santiago Castillo Chomel
 

Une mort lente

La corrida est divisée en trois "tercios" (tiers) : tercio de pique, tierco de banderilles et tierco de muleta. La durée totale est d'environ vingt minutes.
Durant ces trois épisodes, des lésions physiques sont infligées de façon systématique au taureau.

Dans le premier tercio, une lance provoque une lésion des muscles responsables des mouvements de la tête. Cette lésion limite l'amplitude des mouvements : le taureau ne peut plus lever la tête normalement, ce qui réduit sa capacité à voir, entendre et sentir.
La blessure peut entraîner une perte allant jusqu'à 18 pour cent du volume sanguin. En conséquence, le niveau d’oxygène cellulaire est insuffisant pour répondre à ses besoins métaboliques. Un autre effet de la perte de sang est la déshydratation.

Tercio de piques. Shutterstock / Felipe Caparros

Dans le deuxième tercio, six banderilles sont plantées sur les épaules et/ou le garrot du taureau. Ces banderilles sont conçues pour rester en place. Autrement dit, plus le taureau bouge, plus il provoque de la douleur, car les muscles sont déchirés. 

Un taureau après le tiers de banderilles. Shutterstock / Stan de Haas Photographie

Dans le dernier tercio, le matador plante une épée courbe à double tranchant de 80 centimètres de long, en cherchant à approcher le cœur. Cependant, l’épée provoque généralement des blessures aux poumons et aux bronches. Si cela se produit, une partie du sang peut pénétrer dans les voies respiratoires et étouffer le taureau. La trachée peut également être blessée et provoquer des saignements par le museau. Si la blessure est plus grave, par exemple si une artère est sectionnée, le taureau peut mourir d'une hémorragie.

Le torero Julián López Escobar, dit El Juli, donne l'estocade à un taureau en septembre 2011, peu avant l'interdiction des corridas en Catalogne le 1er janvier 2012. Shutterstock / Natursports

Si à ce stade les lésions physiques n'ont pas été suffisantes et que le taureau est encore en vie, on procède au descabello. Autrement dit, une lame est insérée entre la première et la deuxième vertèbre cervicale, sectionnant ainsi la moëlle épinière. Le taureau tombe donc, les membres raides. Puis on utilise la puntilla, un couteau censé achever le taureau. Cependant, l’animal peut toujours être conscient et bouger la tête et les yeux. Ce n'est qu'en affectant le bulbe rachidien et en provoquant un arrêt respiratoire qu'il serait possible de le tuer directement.

Que le taureau meure par étouffement ou par saignement, il sera dans un état de pleine conscience, puisque le cortex cérébral et le tronc cérébral restent intacts.

Puntilla. Shutterstock / jmgarcia
 

Plus que la douleur physique

Être dans une arène et être attaqué génère de la peur et de l'anxiété chez le taureau : il est soumis à un niveau de stress sévère, aigu et continu. De plus, le transport de son pâturage jusqu'aux arènes est stressant.
À cela s’ajoute le stress de rester isolé et laissé dans des enclos pendant des heures ou des jours jusqu’au moment où il est introduit dans l'arène. Le changement d'environnement physique et le contraste entre l'isolement et le bruit de l'arène trouble également le bovin.

Pendant la corrida, des hormones et des neurotransmetteurs sont libérés dans le corps du taureau, comme le cortisol, l'adrénaline et la noradrénaline. La première, connue sous le nom d’« hormone du stress », augmente et maintient une glycémie élevée pour fournir de l’énergie au corps en état de stress aigu ou chronique. Les deux autres produisent entre autres une augmentation de la fréquence cardiaque, une hypertension, une hyperventilation.

Certaines thèses, cependant contestées, ont suggéré que les taureaux sécrètent de grandes quantités d'opioïdes (endorphines et enképhalines) lors des corridas. Cela aiderait à moduler les réponses à la douleur.
Cependant, ces opioïdes ne font qu’atténuer la douleur, sans la supprimer. De plus, selon un autre rapport, les opioïdes sont inefficaces pour atténuer et contrôler la douleur chez les bovins.

D'autres études ont montré que les taureaux présentent des comportements indiquant une détresse tels que le balancement de la queue, la respiration bouche ouverte et la réticence à bouger. Tous ces comportements montrent que les taureaux souffrent dans les arènes.
Un rapport de 2017 du PAOT (Bureau de l'environnement et de gestion environnementale de Mexico) atteste que les taureaux éprouvent une souffrance définie comme « la combinaison de ressentis désagréables, sévères ou prolongés, associés à une douleur physique ou affective, ou lorsque l'individu ne peut pas s'adapter aux circonstances de son environnement. »

Les analyses effectuées sur les taureaux après la corrida ont montré un déséquilibre du pH sanguin, avec des valeurs inférieures aux valeurs physiologiques (acidose). Cela est dû à l’activité physique et à l’accumulation d’acide lactique qui produit une fatigue musculaire.
L'acidose chez les taureaux peut également provoquer des lésions et des raideurs musculaires, des chutes intermittentes, et une respiration plus rapide et plus profonde.


La culture n'est pas une excuse

La tradition ne peut justifier ces actes. Toutes les traditions anciennes ne doivent pas être préservées. Encore moins celles qui reposent sur l'oppression ou la violence contre les êtres humains, par exemple les mutilations génitales féminines ou les mariages forcés d'enfants.

Les preuves démontrent que les taureaux éprouvent de la douleur, de l'angoisse, de la peur, et sont conscients de leur environnement, y compris de leur propre mort. Peut-on continuer à justifier la maltraitance animale au nom du divertissement ou de la culture ?

Enfin, on dit que la vie des taureaux est meilleure que celle de nombreux animaux élevés pour la consommation. « Il me semble que la vie des taureaux, jusqu'à leur dernier quart d'heure de combat douloureux, serait enviée par beaucoup d'animaux qui sont à notre service...» écrit Fernando Savater dans Tauroética. Ceci, plus qu’une justification de la corrida, met en évidence un autre problème qui nécessite une attention morale : l’industrie de la viande.
Pour autant, peut-on justifier la torture d’un être sensible par le prétendu fait d’avoir vécu une « bonne vie » ?

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article