Régime de faveur pour la corrida !
Les arènes d'Arles bénéficient d'une dérogation pour organiser un festival taurin le 6 juin 2021, alors que le gouvernement avait fixé le 9 juin comme date seuil pour ce genre de rassemblement.
La première corrida de la "temporada" 2021
Une novillada non piquée (sur des taurillons de 2 à 3 ans) puis une corrida auront donc lieu, pour
2 900 spectateurs.
Les arènes d'Arles claironnent : "Suite à l’accord des autorités, Arles sera la première arène française à organiser une corrida de toros cette année avec, le 6 juin prochain, une grande journée taurine."
Et la ville d'Arles se vante : "la dérogation de la Préfecture est tombée dans la soirée du mardi 25 mai 2021, ouvrant droit à la tenue d’une corrida dans les arènes d’Arles le 6 juin. "
Pourtant, le calendrier de déconfinement imposé par le gouvernement se voulait clair :
- À compter du 19 mai 2021 :
. les festivals de plein air assis peuvent reprendre avec une jauge de 35 % jusqu'à 1 000 personnes ;
- À compter du 9 juin 2021 :
. les festivals de plein air assis pourront se dérouler avec une jauge de 65 % jusqu'à 5 000 personnes (le pass sanitaire sera exigé au-delà de 1 000 personnes) ;
On peut contester ce calendrier, ou contester la nature des mesures. Mais ceci est une autre question.
On peut aussi dire qu'on n'est pas à 3 jours près.
Mais dès lors que les pouvoirs publics imposent des mesures nationales de confinement ou de déconfinement, celles-ci doivent s'appliquer partout et à tout le monde. C'est d'ailleurs leur principe même. Sans quoi chaque personne physique ou morale peut se dire, à juste titre "Ah, il y a des exceptions ?! Et pourquoi pas pour moi, alors !?"
Juan Bautista
Certes, le directeur des arènes d'Arles, Jean-Baptiste Jalabert, aime beaucoup les taureaux. Il n'est que de voir sur cette photo le regard bienveillant qu'il portait à un taureau agonisant, lors de la Feria des Vendanges 2016 à Nîmes. du temps où il était encore Juan Bautista le matador.
Et comme nous le précisions dans notre article à l'époque : "Le monsieur en veste noire et lunettes fumées au sourire plein d'amour, qui est dans le callejón derrière lui à sa droite, est Bernard Domb, dit 'Simon Casas', directeur des arènes de Nîmes.". Mais ça c'était avant la rivalité grinçante entre Jalabert et Casas...
El Rafi
Et sur le site de la commune d'Arles, on peut lire "La ville aura donc le privilège d’ouvrir la saison taurine française, soufflant au passage l’alternative du prometteur El Rafi à sa voisine nîmoise."
L'"alternative" est en langage tauromachique une corrida au cours de laquelle un jeune "novillero", c'est-à-dire tueur de taurillons, acquiert le grade de "matador", c'est-à-dire tueur de taureaux.
Raphaël Raucoule, dit "El Rafi", élève du Centre français de tauromachie de Nîmes, l'une des six "écoles taurines" françaises, est lui aussi un grand amoureux des bovinés. Né à la fin de l'été 1999, il a tué son premier veau en décembre 2012, c'est-à-dire à l'âge de… 13 ans (cf cet article du Midi Libre). No comment.
Par parenthèse, rappelons qu'une association anti-corrida avait il y a quelques années entrepris une action auprès de la juridiction administrative pour contester l'accès des mineurs aux "écoles taurines". Après un rejet des tribunaux administratifs, puis de la Cour d'appel administrative (CAA) de Marseille, le Conseil d'Etat avait rejeté à son tour cette demande en novembre 2019 . Pourtant, l'arrêt de la CAA de Marseille avait justifié ses décisions, entre autres à propos des "écoles" de Nîmes, en stipulant "il ne ressort pas des pièces du dossier que les élèves-apprentis mineurs de cette école et de ce centre seraient directement confrontés à de la maltraitance animale voire à une mise à mort". Il est dommage que les pièces du dossier ne comprenaient pas (entre autres) l'article ci-dessus du Midi Libre, quotidien régional pourtant aisément accessible…
Avant : les chasseurs
Les chasseurs français avaient bénéficié de dérogations aux règles du confinement et du couvre-feu pour se livrer à leur passion dès novembre 2020, et ceci s'est prolongé en 2021. Cela au motif de réguler le grand gibier et les "espèces susceptibles d'occasionner des dégâts". Inutile de dire que des associations, mais aussi de simples citoyens, se sont posé des questions quant à la mise en oeuvre de ces "dérogations".
Et maintenant, ce sont donc les organisateurs de corridas qui bénéficient d'un régime de faveur.
Ceci alors que de plus en plus d'organisations et de parlementaires s'inquiètent que le gouvernement n'ait toujours pas inscrit à l'ordre du jour du Sénat la proposition de loi contre la maltraitance animale adoptée fin janvier à l'Assemblée...