UN DÉPARTEMENT TAURIN DE MOINS EN FRANCE
Amphithéâtre de Fréjus
La ville de Fréjus, dans le Var, avait la double particularité d'être la seule commune taurine de son département, et d'être la commune taurine française située la plus à l'est.
Sur les onze autres départements français où sont organisés des spectacles taurins sanglants, deux autres ont actuellement la particularité de voir ces spectacles limités à une seule commune : l'Aude, avec Carcassonne, et la Haute-Garonne, avec Rieumes.
Cependant, après avoir organisé plus ou moins régulièrement des corridas depuis le début du siècle dernier, Fréjus n'en organisait plus depuis 2006. La raison en était qu'elles avaient lieu dans un vénérable amphithéatre romain construit il y a quelque 2000 ans, lequel est depuis 4 ans en restauration, dans le cadre du Plan Patrimoine Antique. Dès lors une question se posait avec de plus en plus d'acuité : y aurait-il à nouveau des corridas lorsque cette restauration serait achevée en 2011 ?
Élie Brun, maire de Fréjus depuis 1997 et sénateur du Var depuis 2008, était ainsi sollicité tant par les partisans que par les adversaires de la corrida.
Si on sait que le mundillo, le petit monde de la corrida, constitue un lobby opiniâtre, d'un autre côté, dans le Var comme ailleurs, une majorité de la population n'aime pas les corridas, voire est favorable à leur suppression. Un sondage IPSOS réalisé en 2001 avait même documenté cette opposition : 86% des habitants de Fréjus déclaraient ne pas avoir le sentiment que la corrida fasse partie de leur culture, 78 % en désapprouvaient les subventions par les pouvoirs publics, et 62% s'affirmaient contre l'organisation de corridas dans leur ville.
Par parenthèse, François Léotard, à qui Élie Brun a succédé à la tête de Fréjus en 1997, a signé en 2007 une pétition de personnalités contre la corrida.
Après avoir laissé entendre que les corridas pourraient reprendre, Élie Brun a finalement tranché : il n'y aura plus de corridas. La nouvelle circulait déjà officieusement depuis mi-octobre grâce à Katherine Bourliascos et Christian Baloy, deux militants de la première heure, ainsi qu'à l'Alliance Anticorrida. Depuis aujourd'hui 10 novembre, elle est en quelque sorte "officialisée" par la médiatisation du quotidien Var-Matin, qui y consacre trois articles.
Dans l'article qui fait la première page, Var-Matin fait dire à un habitant de Fréjus : « Je ne suis pas étonné de cette prise de position qui intervient juste avant les prochaines échéances électorales ». Ceci est en fait un réel compliment à l'égard de M Brun, qui serait enfin attentif à l'opinion majoritaire ! Il est vrai qu'il a décidé de briguer à nouveau une fonction de conseiller général aux cantonales de mars 2011, poste qu'il occupera ou qu'il laissera à sa suppléante selon qu'Hubert Falco, qu'il remplace au Sénat, sera toujours ou non au gouvernement. Cependant, il devrait en tant qu'UMP remporter l'élection dans un fauteuil, dans ce canton où l'opposition est éclatée entre gauche et extrême-droite. La décision de supprimer les corridas doit avoir d'autres motifs, que lui seul connaît.
Par ailleurs, il compte à nouveau briguer la fonction de maire de Fréjus en 2014. Et il devrait également sortir gagnant de cette élection, qu'il avait remportée en 2008 au 1er tour avec près de 63% des suffrages. Les corridas devraient donc être éliminées du paysage varois jusqu'en 2020. Et vu l'évolution des mentalités, il y a peu de chances pour qu'on les voit s'y rétablir ensuite.
Ainsi, à l'instar des arènes de Barcelone d'ici 2012, l'amphithéatre fréjusien restauré devrait, à partir de 2011, ne plus accueillir que des spectacles culturels dignes de ce nom.
En conclusion, grâce à la prise de position avisée du maire de Fréjus, la France compte dorénavant pour de bon un département taurin en moins.